En avant, marche, Hamish Fulton

29.06.23
Par Julien Bordier

Depuis cinquante ans, l’artiste anglais imagine un art connecté à la nature, inspiré par ses randonnées en solitaire ou en groupe dans des paysages sauvages. Ses œuvres, simples et engagées, sont exposées au Frac Sud - Cité de l’art contemporain, à Marseille, et au Cairn Centre d’Art, de Digne-les-Bains.

Hamish Fulton, A Walking Artist, Frac Sud – Cité de l’art contemporain. Photo Laurent Lecat / Frac Sud – Cité de l’art contemporain

Il est l’autre homme qui marche. Le pendant en chair et en os de la célèbre sculpture d’Alberto Giacometti. Depuis le début des années 1970, le Britannique Hamish Fulton, 76 ans, marche et crée, depuis bien plus longtemps que l’écrivain Sylvain Tesson. Il arpente la Terre et restitue cette expérience à travers différents médiums (peinture, photo, aquarelle, sculpture, écriture...). La démarche de ce marcheur est unique.

Un artiste hors des sentiers battus

Hamish Fulton commence à mettre un pied devant l’autre après ses études d’art et de photographie au Royal College of Arts, où il a pour camarade Richard Long, lui aussi adepte de la marche et pionnier du Land Art. L’art conceptuel est alors à la mode. L’idée prend le dessus sur la forme. A la différence de son ami Richard Long, Hamish Fulton, lui, ne réalise rien in situ. Il ne transforme pas la nature, il est transformé par elle. Son art est sous tendu par une pensée environnementale liée à la préservation de la nature et à son caractère sauvage.

“Il y a aussi une dimension spirituelle, chez Hamish Fulton, souligne Muriel Enjalran, directrice du Frac Sud - Cité de l’art contemporain, à Marseille, qui accueille une exposition consacrée au Britannique. A la fin des années 1960, le bouddhisme influence beaucoup les milieux culturels. Dans les années 1970, Hamish Fulton passe du temps dans des réserves indiennes et se confronte à l’animisme. Cela infuse une œuvre qui se déploie maintenant depuis 50 ans et qui rappelle notre interdépendance avec le vivant.”

Bon pied, bon oeil

Lors de ses périples, Hamish Fulton remplit toujours un carnet de notes au fur et à mesure de son avancée. A partir de ce journal de bord, à son  retour dans son port d'attache de Canterbury, dans le Kent, il nourrit des œuvres aux formes simples et aux traits minimalistes. Peintes sur les murs du Frac Sud se déploient ainsi de grandes fresques qui mettent en scène des données factuelles et objectives : nombre d’animaux croisés, topographie, couleurs du ciel…  Une expérience physique et mentale pour le spectateur qui se poursuit dans l’espace monumental du plateau explorations avec des photos et des pièces en bois.

Des kilomètres au compteur

Chaque exposition d’Hamish Fulton est précédée par une déambulation dans sa région d’accueil. En juin 2022, il a ainsi parcouru le parc national du Mercantour pendant 21 jours. Partant de Barcelonnette, il a refait un chemin qu’il avait emprunté en 2011.

“Il s’est rendu compte qu’en l'espace de 10 ans, les névés avaient fondu, que les cours d’eau s’étaient taris, précise Muriel Enjalran. La pratique d’Hamish Fulton est aussi observée avec attention par les scientifiques pour identifier les effets concrets du réchauffement climatique.”

Penser avec les pieds

A 140 km de Marseille (comptez une trentaine d’heure à pied), le Cairn Centre d’Art, à Digne-les-Bains, expose l’engagement politique de l’artiste nomade. Lors de différents treks dans l’Himalaya (2000, 2007, 2011), Hamish Fulton a été témoin de la violence de l’occupation chinoise au Tibet. Le Cairn, qui est situé non loin de la résidence-musée de l’écrivaine et exploratrice Alexandra David Neel, qui fut la première femme occidentale à entrer à Lhassa en 1924, est l’endroit idéal pour présenter un ensemble d’oeuvres d’Hamish Fulton qui dénoncent le silence des pays occidentaux sur la question des droits de l’homme dans cette région du monde et qui saluent la résistance des moines bouddhistes. La marche pour Hamish Fulton relève à la fois de la pratique mystique et de l’action politique. Pour avancer, il faut savoir utiliser à la fois sa tête et ses jambes.

Hamish Fulton, A walking artist. Frac Sud contemporain, Marseille → 29.10.23

Hamish Fulton, Tibetan Kora. Cairn Centre d’art, Digne-les-Bains → 07.07.23